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Nous sommes arrivés à un tournant important dans les guerres commerciales, alors que les États-Unis ont conclu des accords préliminaires avec le Japon et l’Union européenne (UE). Dans les deux cas, les États-Unis imposeront des droits de douane au taux de base de 15 %, avec des exemptions et éventuellement des taux différents sur certains produits.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial des États-Unis et représente près d’un cinquième des importations aux États-Unis. Le Japon se place en cinquième position avec 5 % des importations. Ces accords s’inscrivent dans le sillage d’autres accords conclus avec le Royaume-Uni (2 %), le Vietnam (4 %), l’Indonésie (1 %) et les Philippines (0,4 %). Les grands absents sont la Chine, le Canada et le Mexique, qui représentent collectivement 42 % des importations américaines. Cependant, si les progrès pouvaient sembler négligeables il y a deux semaines, il semble à présent que les États-Unis aient bien progressé vers leur objectif de renégocier leurs relations avec leurs partenaires commerciaux.

Le moment est donc tout indiqué pour évaluer la situation :

l’aspect le plus sous-estimé, selon moi, est le fait que les recettes supplémentaires générées par les droits de douane pourraient être substantielles. Comme je l’observais il y a trois mois (À mon avis : T-Day) les droits de douane sont un impôt, et nous sommes à présent mieux placés pour estimer leur impact probable sur les finances publiques et l’activité économique. Les droits de douane ont généré environ 130 milliards de dollars de recettes depuis le début de l’année, contre un peu plus de 50 milliards de dollars sur la même période l’année passée1.

Recettes brutes des droits de douane ~130 milliards USD sur les sept premiers mois de 2025

2018–2025

Sources : Département du Trésor américain, Macrobond. Analyse par Franklin Templeton Fixed Income Research. Au 4 août 2025.

À quoi pourrait ressembler un nouvel équilibre ? Les négociations sont encore en cours, mais pour fixer les idées, supposons l’imposition de droits de douane généralisés de 15 % dans la lignée des accords conclus récemment avec l’UE et le Japon. En 2024, les importations se sont élevées à 3 300 milliards de dollars. Supposons qu’elles restent inchangées à ce niveau. Supposons en outre que des importations à hauteur de 1 000 milliards de dollars seront exonérées de droits de douane, soit parce qu’elles relèvent de l’accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, soit en raison d’exemptions ad hoc. Un taux de droits de douane de 15 % sur les 2 300 milliards de dollars d’importation restants générerait environ 340 milliards de dollars de recettes, ce qui correspond plus ou moins aux chiffres de perception les plus récents.

Cela représente des recettes supplémentaires de 260 milliards de dollars par rapport à la moyenne des trois dernières années, une augmentation d’impôts de près d’1 % du produit intérieur brut (PIB). Cela contribuerait à réduire les déficits budgétaires des prochaines années vers une fourchette de 5-6 % du PIB, plutôt que la fourchette de 6-7 % des projections actuelles2.

Les recettes supplémentaires s’élèveraient à environ 2 600 milliards de dollars sur 10 ans, ce qui correspond plus ou moins a l’augmentation cumulée de 2 400 milliards de dollars du déficit primaire causée par le Big Beautiful Bill (BBB) selon les estimations du Congressional Budget Office (CBO)3.

C’est ici que les choses deviennent intéressantes : en prolongeant les baisses d’impôts instaurées par le « Tax Cuts and Jobs Act » de 2017, le BBB a « laissé tomber » 3 700 milliards de dollars de recettes potentielles selon le CBO. Ce manque à gagner a été compensé en partie par des réductions de dépenses de 1 300 milliards de dollars. Une augmentation de la fiscalité indirecte pourrait apparemment combler l’écart restant – parce que les droits de douane à l’importation sont, en fait, une taxe à la vente. La politique budgétaire reste accommodante, mais un peu moins qu’auparavant. Par comparaison aux politiques existantes, on note une augmentation de la fiscalité par le biais d’impôts indirects (sur la vente de marchandises importées) plutôt que d’impôts directs (sur les revenus des ménages et des entreprises).

Une augmentation d’impôts... de combien au juste ? Les recettes totales des droits de douane seraient équivalentes à une taxe à la vente de 5 % sur tous les biens (la consommation de biens en 2024 s’est élevée à environ 6 200 milliards de dollars sur un total de près de 20 000 milliards de dollars de biens et services). Une charge importante, mais pas dramatique : la plupart des pays de l’UE imposent une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’environ 20-22 % sur la plupart des biens et services.

Les économistes s’accordent à dire que les impôts indirects sont généralement préférables aux impôts directs : ils couvrent une base plus large, ils sont plus faciles à administrer et à percevoir et ils ne faussent pas les incitants au travail. (Ils sont cependant régressifs : les ménages à plus faibles revenus dépensent une part plus importante de leurs revenus, et sont donc touchés relativement plus durement).

Les droits de douane sont une taxe à la vente qui favorise les biens produits à l’intérieur du pays. Mais au sein de chaque pays européen, la TVA favorise aussi certains biens et services (par exemple les denrées alimentaires, les médicaments et les livres) bénéficiant de taux réduits ou nuls.

Nous observons une réorientation discrète en faveur de la fiscalité indirecte, qui passe inaperçue pour deux raisons : Tout d’abord, comme le CBO a ignoré l’impact des augmentations de droits de douane, celles-ci n’ont pas figuré dans le débat budgétaire. Et en second lieu, le gouvernement américain trouble le débat en affirmant que les droits de douane seront payés par les producteurs étrangers.

Les entreprises et les ménages américains supporteront probablement au moins trois quarts de la charge des droits de douane. Dans certains cas, les producteurs étrangers baisseront probablement leurs prix pour conserver leurs parts de marché, comme le font les constructeurs automobiles japonais depuis quelques mois, mais ces cas de « taxation sans représentation » seront probablement rares, et peut-être temporaires. Jusqu’à présent, les entreprises américaines ont absorbé la majeure partie de l’augmentation d’impôts par une baisse de leurs marges bénéficiaires. À mesure que les accords commerciaux sont finalisés, je m’attends à ce qu’une part plus importante se traduise par une augmentation des prix à la consommation. Cela devrait provoquer une augmentation modérée et temporaire de l’inflation, et sans doute un ralentissement de la croissance du PIB – nous en observons déjà certains signes dans les chiffres relatifs à l’activité et à la création d’emplois. Mais si l’objectif est de limiter le plus possible l’impact d’un impôt indirect sur la croissance, des droits à l’importation sont la solution idéale : la baisse de demande touchera principalement les importations, qui ne contribuent pas directement à la croissance du PIB.

Quelles sont les principales conséquences pour les perspectives ?

  1. Nous prévoyons un léger risque de baisse de la croissance, mais cet impact devrait être modéré. Et avec des déficits budgétaires de 5-6 % du PIB, la politique budgétaire reste expansionniste. Les perturbations des échanges commerciaux liées à l’ajustement des chaînes d’approvisionnement pourraient constituer un frein supplémentaire.
  2. Le travail de la Réserve fédérale (Fed) s’en trouve compliqué. Les fortes révisions à la baisse des chiffres publiés récemment en matière d’emploi confirment un certain fléchissement du marché du travail, mais le taux de chômage est toujours aussi bas qu’il y a un an. Étant donné que les droits de douane vont probablement se répercuter davantage sur les prix au cours des prochains mois, la Fed devra soupeser les risques avec soin pour décider de baisser éventuellement les taux, et quand. Je reste d’avis qu’il existe très peu de marge pour baisser les taux à moins d’un net ralentissement, car nous sommes très proches de mon estimation du taux directeur naturel.
  3. Le défi budgétaire à long terme subsiste. À moins d’un miracle au niveau de la productivité, ce défi devra être relevé par une combinaison de réductions des dépenses et d’augmentations d’impôts. Il sera intéressant de voir si ces fortes augmentations des droits de douane se révèlent être un premier pas vers un rôle plus important de la fiscalité indirecte, la voie choisie par de nombreuses autres économies avancées.


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