CONTRIBUTEURS

Michael Hasenstab, Ph.D.
Executive Vice President, Portfolio Manager
Le populisme gagne du terrain dans plusieurs économies avancées, tandis que paradoxalement celles d'Amérique latine s'en écartent au profit du libre-échange et des réformes favorables aux entreprises. Templeton Global Macro explique pourquoi l'expérience populiste en Amérique latine peut offrir des enseignements importants et servir d'avertissement à une époque où les régimes économiques classiques n'ont plus vraiment le vent en poupe.
Qu'est-ce que le populisme ?
Si les définitions du populisme varient en fonction des personnes, pour notre part ce terme désigne les politiques promettant des solutions rapides aux problèmes, souvent de nature économique, mais sans les contraintes douloureuses qui accompagnent généralement les traitements plus orthodoxes. Ces derniers consistent globalement à réduire les déséquilibres macroéconomiques au moyen d'outils qui sont notamment des politiques budgétaires et monétaires prudentes, la libéralisation du commerce, la déréglementation et l'ouverture vers l'intégration économique mondiale.
Nous sommes optimistes à l'égard des perspectives de l'Amérique latine car la région s'écarte d'une décennie de populisme infructueux pour se tourner vers des politiques plus orthodoxes.
Résumé
Nous analysons l'expérience qu'ont vécue les pays d'Amérique latine depuis quelques années, en retenant trois États qui avaient choisi d'adopter une politique économique populiste : l'Argentine, le Brésil et le Venezuela. Le Brésil et le Venezuela sont en train de faire marche arrière, ce qui n'est pas le cas de l'Argentine. Il nous semble que pour tout élu tenté de succomber au chant des sirènes populistes, la comparaison de ces expériences est riche d'enseignements.
Bien sûr, les fondamentaux et les institutions des économies développées sont bien plus solides que ceux des pays sur lesquels porte notre analyse, mais nous pensons que les conséquences de politiques malavisées seraient assez identiques. Notre analyse peut donc apporter un éclairage précieux, en particulier dans les périodes comme aujourd'hui, où la tentation est grande, pour certains, de céder à l'appel du protectionnisme. De plus, cet article met en avant des opportunités d'investissement attrayantes en Argentine et au Brésil, et plus généralement dans les pays dotés de régimes économiques solides et orthodoxes.
LES SIRÈNES DU POPULISME
L'illustration 1 représente les expériences de quatre pays d'Amérique latine, dont trois sont tombés dans le piège du populisme (Argentine, le Brésil et le Venezuela) mais pas le quatrième (la Colombie). Tous ces pays ont été affectés dans des proportions variables par la fin du super cycle des matières premières, qui a mis à l'épreuve la viabilité de leurs cadres politiques, et ceux qui avaient choisi la voie du populisme ont été pris en défaut. Le genre de mesures prises par les gouvernements les plus interventionnistes est donné à titre d'exemple dans l'illustration 1.
Résumé des politiques économiques interventionnistes
Illustration 1 : Mesures infructueuses prises par les différents pays Au 5 décembre 2016

Source: Templeton Global Macro. 2016 en Argentine, 2015-2016 au Brésil, actuellement au Venezuela et en Colombie.
LES DÉGÂTS
Dans les trois pays ayant adopté des mesures populistes, celles-ci ont eu des conséquences très défavorables : l'inflation s'est envolée: le système économique a connu d'importantes distorsions, la croissance de la productivité a baissé, la manipulation des devises dans un environnement d'inflation élevée a entraîné une forte hausse du taux de change réel (ce qui a pesé sur la compétitivité) et dans certains cas la dette publique s'est rapidement accrue.
En Argentine et au Brésil es dégâts commencent à être réparés ; mais l'expérience du Venezuela qui persiste sur la voie du protectionnisme parle d'elle-même. L'illustration 2 présente un aperçu des répercussions négatives du populisme dans ces pays et l'on voit bien que la Colombie sort du lot grâce au maintien de politiques prudentes.
Conséquences du populisme
Illustration 2 : Conséquences politiques par pays Au 5 décembre 2016

Source: Templeton Global Macro.
MARCHE ARRIÈRE
En Argentine, la dégradation prolongée des conditions économiques a fini par chasser Cristina Kirchner du pouvoir au profit de Mauricio Macri en novembre 2015. Le nouveau Président argentin a été élu sur la promesse d'une grande libéralisation du système économique, Rapidement, le nouveau gouvernement a lancé toute une série de réformes allant du renforcement du rôle des institutions au durcissement de la politique monétaire en passant par la consolidation budgétaire la normalisation de la politique de change et la régularisation des relations internationales. Ces initiatives vastes et profondes marquent un net changement de cap et adressent un signal fort aux investisseurs internationaux : celui d'un gouvernement très impliqué dans la restauration de la trajectoire économique. À nos yeux cette volonté de relever immédiatement les défis les plus durs a été le pilier central de la crédibilité de la nouvelle équipe au pouvoir.
Au Brésil, le virage politique a été amorcé sous l'ancienne Présidente, Dilma Rousseff, forcée par l'effondrement de sa cote de popularité et les difficultés du pays pour accéder aux financements extérieurs. Le nouveau gouvernement brésilien sous la direction de Michel Temer a lancé les premières étapes de la consolidation budgétaire avec l'abaissement du plafond des dépenses publiques et la préparation d'une réforme de la sécurité sociale. Les autorités ont aussi commencé à réduire l'interventionnisme afin d'atténuer les distorsions économiques en commençant par déréglementer les prix administrés en 2015. Cette même année l'inflation en hausse et la récession économique ont compliqué la tâche de la banque centrale ; après avoir maintenu un taux d'intérêt réel stable jusqu'à mi-2015 elle l'a laissé grimper (tout en commençant à réduire les taux nominaux) pour parvenir à baisser l'inflation en 2016. Autre aspect de cette nouvelle politique monétaire prudente : l'expansion du crédit lancée sous le gouvernement précédent a été interrompue.
En Colombie, bien que les politiques ne se soient pas réellement dégradées le gouvernement a quand même pris des mesures pour réduire l'inflation liée à la dépréciation du peso. La politique monétaire a été durcie des mesures ont été prises pour consolider les comptes publics et pouvoir parer les effets potentiels de la baisse des recettes liées à la chute des cours pétroliers et enfin des négociations ont été menées avec les Forces armées révolutionnaires - Armée du Peuple (FARC-AP) pour mettre un terme au conflit de longue date avec ce groupe de guérilla ce qui a contribué à renforcer et sécuriser les institutions démocratiques du pays.
Au Venezuela les politiques populistes battent toujours leur plein. La population vit aujourd'hui dans des conditions très difficiles avec un taux de chômage élevé et un accès restreint aux produits alimentaires et à d'autres ressources essentielles. Cette situation a suscité des mouvements de protestation et accru le risque d'instabilité sociale mais n'a pas encore entraîné de changement du régime politique ni même un ajustement. L'illustration 3 présente un résumé des ajustements mis en place (ou non) par chaque pays couvert par notre étude.
Résumé des ajustements apportés aux politiques
Illustration 3 : Conséquences politiques par pays Au 5 décembre 2016

Source: Templeton Global Macro.
PERSPECTIVES DES DIX PROCHAINES ANNÉES
Le régime politique de la Colombie semble être l'exact inverse de celui du Venezuela et se caractérise par un rejet ferme du populisme. Il faut souligner que grâce au maintien de politiques macroéconomiques prudentes la Colombie n'a souffert que de la hausse de l'inflation liée à la dépréciation de sa devise offrant un contraste saisissant avec l'économie vénézuélienne.
En Argentine et au Brésil , même si l'ajustement des politiques vient tout juste de commencer les espoirs sont permis. Il faudra bien sûr maintenir la dynamique pendant les prochaines années mais dans ces deux pays l'élément le plus important (l'engagement des élus) est bel et bien en place. Par conséquent les bénéfices devraient être substantiels à condition que les nouvelles politiques soient maintenues.
À l'inverse il est difficile d'être optimiste en ce qui concerne les perspectives du Venezuela. D'un côté le pays a plus de réserves de pétrole que l'Arabie Saoudite et de l'autre son économie est celle qui se contracte le plus vite au monde ; l'inflation se rapproche des 1 000 % 1 et les pénuries de produits alimentaires et de médicaments sont en train de précipiter une crise humanitaire. La situation peut encore difficilement s'aggraver.
Selon nous ces exemples pris en Amérique latine sont riches en enseignements pour les pays développés. Nous ne sommes pas en train de dire que les États-Unis ou les pays d'Europe qui flirtent avec le populisme vont subir les sorts extrêmes décrits dans notre analyse complète ; néanmoins ces exemples sont autant d'avertissements à une époque où le rejet des régimes économiques orthodoxes est de plus en plus palpable.
Notes de fin
-
Source: Fonds monétaire international. Perspectives économiques mondiales octobre 2016.
Quels sont les risques?
Tout investissement comporte un risque, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. La valeur des investissements peut fluctuer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs ne sont pas assurés de récupérer la totalité de leur mise initiale. Les prix des obligations évoluent généralement dans le sens opposé des taux d’intérêt. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur d’un portefeuille obligataire peut reculer. Les cours des actions sont soumis à des fluctuations, parfois rapides et importantes, en raison de facteurs affectant les entreprises individuelles et certains secteurs ou sous-secteurs, ou du fait des conditions générales de marché. De tels investissements peuvent connaître une volatilité importante des prix pendant une année donnée. Les investissements dans des titres étrangers comportent des risques spécifiques : fluctuations de change, instabilité économique et évolution de la situation politique, par exemple. Investir dans les marchés émergents, y compris dans la sous-catégorie des marchés frontières, implique des risques accrus concernant ces mêmes facteurs, lesquels s’ajoutent aux risques liés à leur plus petite taille, à leur liquidité inférieure et à l’absence d’un cadre juridique, politique, commercial et social établi pour soutenir les marchés boursiers. Les risques liés à l’investissement dans les marchés frontières sont encore supérieurs à ceux associés aux marchés émergents en raison du développement moins avancé des structures précitées, ainsi que du potentiel de forte volatilité des prix, de la liquidité insuffisante, des barrières commerciales et des contrôles sur les taux de change.
