Principales conclusions :
- L’augmentation des dépenses publiques pendant et après la pandémie a conduit Fitch à rétrograder récemment la note de crédit à long terme des États-Unis à AA+ au lieu de AAA, soulignant le risque croissant qui pèse sur la santé budgétaire de l’économie.
- L'une des conséquences de l'augmentation des déficits sera probablement une hausse des taux d’intérêt à long terme, les investisseurs exigeant une compensation supplémentaire pour prêter de l'argent sur de plus longues périodes.
- Si les effets seront sans doute inégaux sur le marché, les répercussions de l'augmentation des déficits et des taux à long terme devraient notamment se traduire par une baisse des valorisations des actions, un scénario qui pourrait profiter aux actions cycliques et à plus forte volatilité.
Une trajectoire budgétaire préoccupante mène à la rétrogradation de la dette publique américaine
Le mois dernier, Fitch Ratings a rétrogradé la note de crédit à long terme des États-Unis de AAA à AA+, évoquant une « détérioration budgétaire attendue au cours des trois prochaines années, une charge de la dette publique générale élevée et croissante, et l'érosion de la gouvernance par rapport aux pairs notés « AA » et « AAA » au cours des deux dernières décennies ».1 Cette décision fait suite à celle de Standard & Poor’s d’abaisser sa notation de crédit pour les États-Unis en août 2011, faisant de Moody’s la seule grande agence de notation à encore attribuer une note AAA à la dette publique américaine.
Ces dernières années, les rétrogradations dues à la trajectoire des dépenses budgétaires du gouvernement fédéral paraissent vraisemblables. Alors que tous les États américains, à l'exception du Vermont, sont tenus de présenter un budget à l’équilibre,2 le gouvernement fédéral n'est pas soumis à cette obligation et enregistre un déficit chaque année depuis 2001, ainsi que sur 45 des 50 dernières années, selon le Trésor américain.3
Le Congrès a pris des mesures de restriction budgétaire pour réduire le déficit en 2013, suite à de fortes augmentations des dépenses pendant, et juste après la crise financière mondiale (CFM). Toutefois, ces mesures se sont avérées de courte durée et le déficit a commencé à augmenter plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB) nominal en 2016, un phénomène inhabituel en dehors d'une récession.
Historiquement, le déficit a suivi l'évolution du taux de chômage, un indicateur de la santé de l’économie, les dépenses de consommation représentant un peu plus des deux tiers du PIB nominal et au vu du lien étroit entre l'évolution du total des salaires hebdomadaires et de la consommation. Plus récemment, une dynamique inhabituelle s’est mise en place, le déficit (par rapport au PIB) ayant évolué à l’inverse du chômage durant la deuxième moitié de la dernière expansion économique (2015-2019) et de nouveau depuis la mi-2022.
Illustration 1 : Analyse des corrélations entre déficit et chômage
Données au 15 septembre 2023. Source : BEA, BLS, NBER, US Treasury et Bloomberg. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Le dernier écart est apparu au sortir de la pandémie de COVID-19, qui a fait exploser les dépenses budgétaires à la suite d'une série de projets de loi de relance budgétaire inédits et substantiels, jugés nécessaires pour éviter que l'économie ne sombre dans la dépression. Cette période (et la période qui l'a précédée, de 2015 à 2019) s'est révélée difficile pour les investisseurs, qui semblent avoir sous-estimé l'effet stimulant des dépenses budgétaires sur l'économie. Il convient de noter que ces deux périodes sont intervenues dans un contexte de resserrement monétaire censé peser sur l'économie et les marchés financiers, mais qui n'a eu qu'un effet limité jusqu'à présent.
Les dépenses publiques contribuent de plus en plus à la croissance du PIB, mais sur une trajectoire préoccupante
L'impulsion donnée par les dépenses budgétaires est évidente en termes de contribution à la croissance du PIB, qui a ainsi atteint une moyenne de près de 70 points de base au cours des quatre derniers trimestres. Cette inflexion fait suite à une nette tendance à la baisse ces dernières décennies, et si les années 2010 n'ont été marquées par quasiment aucune contribution des dépenses publiques au PIB, cette décennie est véritablement un conte en deux parties. La croissance a été en moyenne de -36 points de base au cours des cinq premières années, sous l'effet des restrictions budgétaires, mais elle a rebondi à +35 points de base en moyenne au cours des cinq années suivantes.
Illustration 2 : Contribution du gouvernement fédéral au PIB

Données au 15 septembre 2023. Source : BEA et Bloomberg. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
L'accord sur le plafond de la dette conclu en mai devrait freiner les dépenses budgétaires à court terme. L'accord comprenait des augmentations des dépenses de défense, mais le Bureau du budget du Congrès (CBO) estime que l'accord réduira les déficits d'environ 1 500 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.4 Cependant, seulement 4,4 milliards de dollars de cette somme seront versés en 2023, et quelque 69,5 milliards de dollars en 2024, pour augmenter progressivement jusqu'à 200 milliards de dollars à l’horizon 2033. Il s'agit là d'un pas modeste mais important vers l'assainissement du déficit, même si nous estimons qu’il reste encore beaucoup à faire dans les années à venir.
La trajectoire actuelle des dépenses budgétaires ne permet guère de se prémunir contre une future récession, qui voit généralement les recettes fiscales s’effondrer à mesure que les travailleurs sont licenciés (moins d'impôts sur le revenu des personnes physiques et sur les sociétés) et que les marchés financiers se replient (moins d'impôts sur les plus-values). Cette réduction des recettes publiques modifierait sensiblement la trajectoire du déficit avant même d'envisager un éventuel plan de relance budgétaire qui, s'il était adopté, ne ferait que détériorer des ratios clés tels que la dette par rapport au PIB et les charges d’intérêts nettes en pourcentage du PIB.
Le ratio dette/PIB augmente généralement fortement pendant et après les récessions, sous l'effet conjugué de la baisse du PIB (due à la récession elle-même) et de la réponse budgétaire qui suit. Au cours des huit dernières récessions, le ratio s'est détérioré de 5,2 % en moyenne et les trois récessions les plus récentes (2020, CFM et 2001) ont connu des détériorations nettement plus importantes de -13,4 %, -8,8 % et -6,2 %, respectivement. Bien que le ratio dette/PIB soit une mesure prisée par de nombreux investisseurs, nous pensons qu'il ne s'agit pas de la meilleure mesure de la viabilité de la dette. Le ratio dette/PIB compare un stock (la dette) à un flux (le PIB), alors que les analystes de crédit comparent généralement les stocks avec les stocks ou les flux avec les flux. Il n'existe pas de bonne source pour inventorier les actifs du gouvernement américain. Le département du Trésor estime ces actifs à 5 000 milliards de dollars,5 mais ce chiffre ne tient pas compte des 27,4 % de toutes les terres du pays que possède le gouvernement fédéral, ni des ressources naturelles qui y sont associées.
De ce fait, nous pensons que les investisseurs seraient mieux servis en évaluant les charges d’intérêts nettes en % du PIB (qui comparent un flux à un flux). Les charges d’intérêts nettes en pourcentage du PIB constituent un bon indicateur de la viabilité des paiements de la dette par rapport à l'assiette fiscale potentielle, de sorte qu'il est raisonnable de maintenir les dépenses supplémentaires au même niveau que la croissance de l'économie. En outre, des taux d'intérêt plus bas permettent une augmentation durable des dépenses publiques s'ils sont bloqués ou s'ils restent bas.
Au lendemain de la CFM, lorsque les taux d'intérêt sont tombés à des planchers historiques, le département du Trésor a pris des mesures pour bloquer ces taux. L'échéance moyenne pondérée de l'encours de la dette américaine était légèrement supérieure à quatre ans et demi à la fin de 2009 et se situait dans cette fourchette depuis 2004, après avoir atteint un pic d'un peu moins de six ans au début de 2001. En émettant proportionnellement plus de dette à long terme qu'à court terme, le Trésor a pu prolonger la durée moyenne pondérée de l'encours de la dette américaine, qui s'est rapprochée de six ans à la mi-2017. Fin 2021 et début 2022, le Trésor a profité de taux historiquement bas pour allonger encore la durée moyenne pondérée, jusqu'à un peu plus de six ans (74 mois) au milieu de l'année 2023.
En allongeant le profil de maturité de la dette nationale, le Trésor a pu bloquer des taux d'intérêt historiquement bas et maintenir le service des intérêts à un niveau raisonnable, même face à l’escalade de la charge de la dette. Même si le taux actuel des fonds fédéraux se situe entre 5,25 et 5,5 % et que les bons du Trésor à 30 ans se négocient autour de 4,3 %, le taux d'intérêt moyen sur l'ensemble de la dette négociable porteuse d’intérêt des États-Unis n'est encore que de 3,0 %, une grande partie de la dette ayant été émise au cours d'années antérieures alors que les taux d'intérêt étaient plus bas. Partant, le taux moyen continuera d'augmenter dans les années à venir, mais à un rythme quelque peu mesuré.
Illustration 3 : Le taux d'intérêt moyen de la dette publique s'oriente à la hausse

Données au 15 septembre 2023. Source : US Treasury et Bloomberg. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Si l'ensemble de la dette du Trésor américain devait être réévalué du jour au lendemain aux rendements actuels du marché, le taux d'intérêt passerait à 4,8 %. Toutefois, seuls 36 % des bons du Trésor existants arriveront à échéance en 2023 ou 2024, et 69 % en 2028. Partant, la progression du service des intérêts prendra plusieurs années si les taux restent aux niveaux actuels, bien qu'elle soit déjà en cours. Le taux d'intérêt moyen actuel de 3,0 % est déjà nettement plus élevé que le plancher de 1,4 % observé au début de 2022. Ce bond est le résultat de la campagne de resserrement agressive de la Réserve fédérale, qui a fait exploser les taux des bons du Trésor à court terme (qui sont réévalués plus rapidement que les titres de créance ou les obligations à plus long terme).
Toutefois, la Fed semblant proche de la fin de sa campagne de resserrement, la pression sur les taux à court terme devrait s'atténuer. Ce qui veut dire que le rythme des augmentations des taux d'intérêt pour la dette nationale devrait ralentir puisque les Bons seront renouvelés à des taux similaires à ceux déjà versés sur ceux-ci. En outre, historiquement, les bons du Trésor à 10 ans ont culminé à peu près au moment où la Fed a terminé son cycle de relèvements, ce qui signifie que les rendements à plus long terme pourraient se stabiliser dans les mois à venir. De toute évidence, quasiment toutes les échéances des titres de créance et des obligations seront renouvelées à des taux plus élevés, ce qui devrait maintenir la pression à la hausse sur les coûts d'intérêt au cours des prochaines années.
Illustration 4 : Les charges d’intérêts nettes augmentent aussi

Données au 15 septembre 2023. Source : Bureau du budget du Congrès, US Treasury et Bloomberg. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs. Rien ne garantit que les estimations ou prévisions se réalisent.
En fait, les projections les plus récentes du CBO montrent que les charges d’intérêts nettes en pourcentage du PIB atteindront seulement 3,2 % au cours de la prochaine décennie.6 Nous pensons que ces estimations sont probablement trop basses étant donné qu'elles ont été faites en février et qu'elles anticipent des taux d'intérêt à long et à court terme nettement inférieurs aux niveaux actuels. Toutefois, les anticipations du PIB avancées sont déjà prudentes (0,1 % seulement pour 2023), ce qui signifie que la mesure des charges d’intérêts nettes ne devrait pas trop changer lors de la prochaine salve de projections. Quoi qu’il en soit, la charge d’intérêts aux États-Unis devrait clairement augmenter au cours de la prochaine décennie et pourrait éclipser le pic observé à la fin des années 1980 et au début des années 1990.
Si cette mesure était élevée dans les années 1980, elle a finalement chuté au cours des années 1990 pour plusieurs raisons. Premièrement, les taux d'intérêt à court et à long terme ont baissé tout au long des années 1990, dans le sillage de la campagne réussie de Paul Volcker pour freiner l'inflation dans les années 1980. Deuxièmement, la fin de la Guerre froide a eu pour conséquence que les dépenses de défense sont restées relativement stables en dollars et ont diminué en pourcentage du PIB, de 6,9 % au début de la décennie à 4 % à la fin. Enfin, grâce à des données démographiques favorables, les dépenses obligatoires telles que la sécurité sociale sont restées sous contrôle, les dépenses fédérales globales hors défense ayant augmenté à peu près au même rythme que l'ensemble de l'économie sur la décennie.
Le contexte actuel se révèle moins favorable. Tout d'abord, les taux d'intérêt ont augmenté en même temps que l'inflation depuis la pandémie de COVID-19, des taux durablement plus élevés constituant dès lors un risque plus important. Ensuite, les données démographiques sont généralement moins favorables, et les dépenses obligatoires devraient enfler dans les années à venir. Le CBO estime que la sécurité sociale, Medicare et Medicaid pourraient tous trois voir leurs coûts augmenter, d’un 10,4 % collectif du PIB en 2022 à 12,7 % à l’horizon 2033. Si l'on ajoute à cela l'augmentation de la charge d’intérêts et des dépenses de défense, les décideurs politiques pourraient être confrontés à des choix cornéliens dans les années à venir, car ces trois programmes représentent déjà plus de 70 % du budget fédéral, un chiffre qui devrait approcher les 75 % d'ici la fin de la décennie.7 L'alternative est de permettre des niveaux d'endettement encore plus élevés, ce qui pourrait avoir d'importantes répercussions sur les marchés financiers.
L’incidence de la hausse des déficits sur les marchés financiers
Même s’il faudra plusieurs années pour que les effets se fassent pleinement sentir, l'augmentation du déficit et de la charge d’intérêts a déjà commencé à avoir une incidence sur les marchés financiers, comme en témoigne la hausse des rendements obligataires. D’un point de vue conceptuel, les rendements obligations peuvent être décomposés en trois parties : les attentes en matière d'inflation, la croissance économique et la prime à terme. La prime à terme est la rémunération supplémentaire que les investisseurs exigent, au-delà des deux premières composantes, pour justifier le prêt de leur argent sur de plus longues périodes. Cependant, les primes à terme sont difficiles à observer et à calculer directement. L'une des méthodes les plus couramment utilisées est le modèle Adrian, Crump et Moench (ACM) de la Banque de la Réserve fédérale de New York.8 Selon le modèle ACM, la prime à terme a atteint des niveaux historiquement bas dans le sillage de la CFM et est même devenue négative plus tard dans la décennie, les investisseurs recherchant la sécurité des bons du Trésor. Elle a augmenté dernièrement, de nombreux observateurs notant que le regain d’incertitude entourant l'inflation et les déficits importants en sont les moteurs les plus probables.
Illustration 5 : Estimations de la Prime à terme des Bons du Trésor à 10 ans

Données au 15 septembre 2023. Source : Banque de la réserve fédérale de New York et Bloomberg. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Si la prime à terme augmente dans les années à venir, cela pourrait avoir d'importantes répercussions sur les marchés financiers, des rendements du Trésor plus élevés ayant une incidence majeure sur le crédit aux entreprises, les devises et les actions. L’incidence la plus directe sur les actions se traduirait probablement par une augmentation des charges d’intérêts, ce qui entraînerait une baisse des marges d'exploitation. Cela n’est guère préoccupant à l’heure actuelle au vu de l'importance des liquidités et du faible niveau d'endettement de nombreuses entreprises, mais cela pourrait s'avérer difficile à gérer pour les entreprises à plus faible capitalisation.
Plus important encore, un taux d'actualisation plus élevé se traduirait par des valorisations plus faibles, toutes choses égales par ailleurs. Les flux de trésorerie futurs des entreprises étant actualisés d’un plus gros montant, cela a pour effet de réduire leur valeur actuelle calculée. Une approche plus logique aboutit à une conclusion similaire : des taux d'intérêt plus élevés signifient que les investisseurs peuvent trouver des rendements plus attrayants avec les obligations, ce qui réduit l'attrait des actions et des dividendes qui y sont associés.
Toutes les actions ne sont cependant pas touchées de la même manière par la hausse des taux, certaines entreprises offrant des rendements en dividendes plus, ou moins élevés. En outre, des rendements plus élevés ont tendance à être associés à une croissance économique plus rapide. Les périodes de croissance économique plus rapide tendent à pousser les entreprises cycliques à afficher une croissance des bénéfices supérieure à celle de leurs consœurs plus défensives. Le S&P 500 évoluant vers les valeurs défensives et moins vers les valeurs cycliques, le multiple du marché au sens large peut être poussé à la baisse lorsque les taux augmentent, en ce sens que les investisseurs expriment moins de préférence pour une part plus importante de l'indice de référence.
Cette notion est également étayée par la théorie. Si nous transformons le modèle d'actualisation des dividendes (DDM) en divisant les deux côtés de l'équation par les bénéfices, nous pouvons calculer des multiples ou un ratio C/B. Cette approche est similaire aux recherches publiées précédemment par l'équipe ClearBridge Quantitative Research. À partir de là, nous pouvons utiliser le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) pour déterminer le coût des capitaux propres. En substituant le MEDAF dans l’équation, le taux sans risque devient une donnée directe pour le calcul de la valorisation, bien que les observateurs attentifs remarqueront qu'un changement du taux sans risque n'a pas d’incidence directe sur le ratio C/B théorique si toutes les autres variables demeurent égales car le taux sans risque est égal à zéro. Cependant, dans le monde réel, les variations du taux sans risque s'accompagnent de variations des autres variables de cette équation.
Illustration 6 : Valorisations d’entreprises selon le bêta

Source : ClearBridge Investments. P = valeur de l’action ; Div = valeur attendue des dividendes d’une année à l’autre ; K = taux de rendement requis pour les investisseurs en actions ; G = taux de croissance attendu ; E = action ; Payout = dividendes attendus par action ; Rf = coût du capital sans risque ; B = bêta, la sensibilité des rendements excédentaires attendus des actifs aux rendements excédentaires attendus du marché ; Rm = prime de risque de marché.
Nous utilisons ce modèle – malgré sa simplification excessive – parce qu’il montre comment le bêta peut avoir une incidence majeure sur le ratio C/B théorique, même si nous partons du principe que les autres éléments demeurent constants. Nous avons exploré ce domaine de recherche par le passé avec nos collègues de ClearBridge pour évaluer le leadership du marché et voir comment deux entreprises similaires peuvent être valorisées différemment par le marché.
On peut considérer le bêta comme un indicateur de volatilité. Les entreprises aux flux de revenus plus vigoureux, comme les valeurs défensives, ont tendance à avoir des bêtas plus faibles (<1), et donc des valorisations plus élevées. En revanche, les entreprises aux revenus variables qui augmentent et chutent plus fortement avec le cours du cycle économique, connues comme les valeurs cycliques, ont tendance à avoir des bêtas plus élevés (>1) et des valorisations plus faibles. Exemple : si nous prenons le bêta du secteur des biens de consommation courante (un groupe défensif) par rapport au S&P 500 en utilisant les données hebdomadaires au cours des cinq dernières années, nous voyons qu’il est de 0,68, tandis que le secteur plus cyclique de la consommation discrétionnaire affiche un bêta de 1,13 durant la même période.
Il convient de souligner que le comportement des multiples à faible bêta par rapport aux multiples à bêta élevé dans le modèle n'est pas le même si le taux d’intérêt hypothétique est modifié. Lorsque les taux d'intérêt baissent, les actions à faible bêta se traduisent par des ratios C/B plus élevés, tandis que les actions à bêta élevé voient leurs valorisations baisser. Ce constat est étayé par la logique ci-dessus, la baisse des rendements obligataires ayant tendance à se produire en période de ralentissement de la croissance économique, qui incite les investisseurs à privilégier les actions défensives (à faible bêta) – qui offrent aussi souvent des rendements en dividendes plus attrayants – alors que les perspectives de bénéfices des valeurs cycliques (à bêta élevé) se détériorent. Lorsque les taux d'intérêt augmentent, c'est l'inverse qui se produit.
Illustration 7 : Impact des taux sans risques sur les valorisations d’actions à bêta faible et élevé

Source : Réserve fédérale, S&P, Bloomberg et FactSet. Les données sont le taux sans risque tel qu’indiqué, 0,9 Faible bêta, 1,1 Bêta élevé, 37,5 % Payout, 8,75 % Rendement du marché, 6,75 % Taux de croissance LT.
Si les prochaines années sont marquées par une prime à terme plus élevée sur fond d’augmentation du déficit ou des préoccupations entourant la charge d’intérêts, les investisseurs pourraient s’attendre à un contexte plus favorable pour les valeurs cycliques et les actions à bêta élevé par rapport aux valeurs défensives et aux faibles bêtas. Compte tenu de la plus forte exposition aux valeurs défensives dans l’indice de référence, cela aurait également un effet de baisse des multiples du marché dans son ensemble. Enfin, cela signifierait probablement aussi que les actions value résistent mieux à la croissance qu'elles ne l'ont fait au cours des 15 dernières années, étant donné leur durée plus courte et l'importance plus grande qu'elles accordent aux flux de trésorerie actuels plutôt qu'aux flux de trésorerie futurs (qui seront actualisés d'un montant plus élevé) par rapport à leurs consœurs de croissance. En d'autres termes, l'augmentation des déficits pourrait déclencher un changement de leadership sur le marché des actions.
Nous ne sommes pas convaincus qu'un tel changement se soit produit et pensons qu'un leadership défensif pourrait surperformer à court terme si les taux d'intérêt à long terme se stabilisent ou diminuent dans les mois à venir. Ce point de vue repose sur l'idée que les taux à long terme ont historiquement baissé après la conclusion d'un cycle de resserrement de la Fed, quels que soient les résultats économiques. À plus long terme, cependant, la tendance suivie par les déficits fédéraux et les primes à terme nous incite à penser que les investisseurs feraient bien de se préparer à l'éventualité d'un changement de régime.
Notes de fin
- Source : Fitch Ratings, « Fitch Downgrades the United States' Long-Term Ratings to 'AA+' from 'AAA'; Outlook Stable », 1er août 2023.
- Source : Tax Foundation, « State Strategies for Closing FY 2020 with a Balanced Budget », 2 avril 2020.
- Source : Données budgétaires du Trésor américain.
- Source : Bureau du budget du Congrès, 30 mai 2023.
- Source : Bureau du service budgétaire, Rapport financier sur l’exercice 2022 du gouvernement américain.
- Source : Bureau du budget du Congrès, Perspectives économiques et budgétaires : de 2023 à 2033.
- Source : Bureau du budget du Congrès, Perspectives économiques et budgétaires : de 2023 à 2033.
- Source : Banque de la réserve fédérale de New York, Prime à terme du Trésor.
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