CONTRIBUTEURS

Kevin J. Ritter, CFA
Robert O. Abad
Après un début d’année en fanfare, les marchés émergents (ME) sont de nouveau pris dans les rets des fluctuations des taux d’intérêt américains et d’un dollar américain (USD) en verve. Cette fois, la hausse des rendements s’explique par les craintes que pose le déficit budgétaire américain et le volume accru de bons du Trésor américain émis. Ces titres sont destinés à couvrir les dépenses exceptionnelles associées à la loi Inflation Reduction Act, aux exonérations de remboursements de prêts étudiants et à la réduction des recettes fiscales sur les plus-values. Le raidissement de la courbe des bons du Trésor américain et la hausse du dollar américain depuis début août, suscités par les craintes d’un environnement de taux « plus élevés plus longtemps », ont soulevé des inquiétudes sur la performance à venir d’actifs risqués, dont la dette des ME.
Selon nous, les ME restent intéressants. Tout d’abord, les chiffres économiques des marchés développés (MD) avalisent encore notre scénario de base d’une croissance mondiale modérée et d’une inflation en recul, ce qui devrait profiter aux fondamentaux des ME. Ensuite, les banques centrales des ME sont plus proches de la fin de leurs cycles de resserrement que leurs homologues des MD. La demande et la performance des obligations locales des ME considérés comme des « releveurs de taux précoces » devraient en être renforcées. Enfin, la possibilité d’une pause de la Fed dans ses hausses de taux, associée à la stabilisation économique en cours en Chine, pourrait largement améliorer la confiance dans les ME ainsi que les prix des actifs.
Il est utile de remarquer qu’au cours des cinq dernières années, les ME ont connu trois ralentissements importants, dont deux étaient liés aux actions de la Fed. L’illustration 1 souligne cette tendance et présente comment les ME (à l’exception du segment de la dette d’entreprise) ont été plutôt plus vulnérables que d’autres classes d’actifs à revenu fixe aux facteurs macroéconomiques comme les différentiels de croissance, la politique monétaire et la géopolitique.
Illustration 1 : Rendements indiciels des marchés émergents et des marchés développés

Source : Bloomberg. Au 30 septembre 2023. La dette des marchés émergents est représentée par le JP Morgan Government Bond Index-Emerging Markets (GBI-EM) Index qui suit les obligations libellées en devise locale émises par des marchés émergents. La dette souveraine ME en USD est représentée par le J.P. Morgan (JPM) Emerging Markets Bond Index (EMBI) Global Diversified Index, une version pondérée unique de l’indice JPM EMBI Global Index, qui suit le rendement total des instruments de dette libellés en USD émis par les entités souveraines et quasi souveraines des marchés émergents : Obligations Brady, prêts et euro-obligations. L’indice inclut tous les pays, à l’exception de ceux qui ont été classés par la Banque mondiale comme à revenu élevé pendant les deux dernières années. L’indice diversifié limite la pondération des pays de l’indice qui ont les dettes les plus importantes en n’incluant que certaines parties de la valeur nominale actuelle de la dette en cours de ces pays. La dette privée ME en USD est représentée par le J.P. Morgan Corporate Emerging Markets Bond (CEMBI) Broad Diversified Index qui est un indice pondéré en fonction de la capitalisation de marché modifié conçu pour mesurer la performance du marché des obligations d’entreprises de ME libellées en dollar américain. La dette totale Etats-Unis est représentée par le Bloomberg Barclays US Aggregate Bond Index, un indice généraliste du marché obligataire pondéré en fonction de la capitalisation boursière, qui représente les obligations investment grade d’échéance moyenne négociées aux États-Unis. Le Crédit américain est représenté par le Bloomberg US Credit Index qui mesure la performance des marchés d’obligations investment grade, libellées en dollars américains, à taux fixe, imposables, destinées aux entreprises et aux gouvernements. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
A terme, nous convenons que la classe d’actifs des ME est vulnérable si l’on tient compte de deux extrêmes possibles : la poursuite de l’exceptionnalité américaine caractérisée par une croissance plus forte, une inflation plus élevée et des taux plus élevés ou une récession américaine sans fin qui pourrait susciter un risque de crédit accru et des primes de risque de défaut plus élevées. L’un ou l’autre de ces scénarios extrêmes peut affecter les perspectives des valorisations des ME. L’illustration 2 présente comment la dette investment grade des ME s’échange à l’heure actuelle à des spreads historiquement étroits par rapport à la dette investment grade américaine en raison des dynamiques de l’offre, alors que la dette à haut rendement des ME doit être suivie de près après son importante sous-performance par rapport à sa contrepartie américaine en 2022.
Illustration 2 : Prime de spread des marchés émergents par rapport à l’US Credit

Source : Bloomberg. Le Bloomberg Emerging Market Index est un indice pondéré en fonction de la valeur de marché, basé sur des règles, qui a été conçu pour mesurer les titres souverains et d’entreprise à revenu fixe libellés en dollar américain et émis sur des marchés émergents. Le Bloomberg US Corporate High Yield Bond Index mesure le marché des obligations d’entreprises à haut rendement et à taux fixe libellées en USD. Au 30 septembre 2023. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Ceci étant dit, nous considérons à l’heure actuelle les marchés locaux et les marchés frontières comme deux segments de la classe d’actifs élargie des ME qui offrent une combinaison attrayante de portage élevé et de potentiel de rendement total. Vous trouverez ci-après un résumé de nos opinions :
Marchés locaux de la sphère émergente
Nous mettons l’accent sur des pays qui ont des taux d’intérêt réels élevés, des perspectives de croissance prometteuses et qui prévoient de réduire prochainement les taux d’intérêt.
Mexique (Baa2/BBB/BBB-)
- Les tendances désinflationnistes sont de bon augure pour l’économie. Un nouveau gouvernement en juin 2024 ouvre la voie à des politiques plus favorables au marché.
- La banque centrale devrait maintenir les taux élevés pendant longtemps, ce qui rend attrayants le portage sur les taux locaux et la négociation sur le peso mexicain.
Inde (Baa3, BBB-/BBB-)
- Une économie solide étayée par de robustes investissements étrangers directs (grâce à l’augmentation des investissements de localisation en territoire ami) et des réserves de change importantes (parmi les cinq premières au monde).
- Les obligations locales et la roupie indienne devraient briller étant donné le portage intéressant par rapport aux pairs et les solides facteurs techniques favorables associés à l’inclusion dans l’indice des obligations des ME.
Brésil (Ba2/BB-/BB)
- Sa note ayant récemment été relevée par Fitch, le pays affiche une résilience économique constante même sous la direction du gouvernement du président apparemment de gauche Luiz Inácio Lula da Silva.
- Les taux deviennent convaincants avec le début du cycle de relâchement monétaire. Néanmoins des taux nominaux et réels encore élevés devraient être favorables au real brésilien.
Marchés frontières
Selon nous, le profil de risque/rendement de la dette des marchés frontières est attractif. Par rapport à des titres investment grade des ME et de haut rendement américain, les valorisations dans le secteur sont remarquablement larges historiquement. Jusqu’à un certain point, ceci est logique, car les économies frontières sont relativement sensibles aux conditions financières externes, qui ont été défavorables pendant l’essentiel des trois dernières années. Néanmoins, les marchés frontières sont aussi un segment diversifié de l’univers élargi des ME. Dans de nombreux cas, ce segment du marché présentera aussi aux investisseurs des opportunités spécifiques et générées par des événements pour réduire le bêta de portefeuille — en termes de sensibilité globale aux facteurs macroéconomiques mondiaux — et pour capitaliser sur un panier de points d’inflexion moins corrélés et fondamentalement axés sur le crédit. Nous pensons que les marchés frontières seraient parmi les principaux bénéficiaires dans un scénario de conditions financières mondiales plus accommodantes Des pays comme le Nigeria, l’Ukraine, l’Argentine et la République dominicaine nous semblent particulièrement intéressants dans ce contexte.
Illustration 3 : Comparaison des spreads

Source : Bloomberg, Western Asset. Au 30 septembre 2023. Le J.P. Morgan Emerging Markets Bond Index Global Diversified (EMBI Global Diversified)-Investment Grade (IG) suit le rendement total du segment IG des instruments de dette libellés en USD émis par les entités souveraines et quasi souveraines des marchés émergents : obligations Brady, prêts, euro-obligations. Cet indice limite l’exposition à certains des plus grands pays. Le J.P. Morgan Next Generation Markets index (NEXGEM) mesure la dette souveraine externe libellée en dollars US des marchés frontières. La composante de spread moyen ajusté sur options (OAS) de l’indice Bloomberg US Corporate High Yield mesure l’OAS moyen des obligations d’entreprises à haut rendement et à taux fixe libellées en dollars américains. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Définitions :
Les notations « AAA » et « AA » (qualité de crédit élevée) et « A » et « BBB » (qualité de crédit intermédiaire) sont considérées comme relevant de la catégorie investment grade. Les notations de crédit attribuées aux obligations dont la qualité est inférieure à ces désignations (« BB », « B », « CCC », etc.) renvoient à une qualité de crédit médiocre et les obligations concernées sont communément dites « spéculatives ».
Les obligations à haut rendement, ou dites « de qualité inférieure à investment grade », sont assorties d’une notation de qualité de crédit de BB ou moins.
Un point de base (pb) est un centième de point de pourcentage (1/100 % ou 0,01 %).
Un spread de crédit est la différence de rendement entre deux types différents d’obligations ayant des échéances identiques.
Un spread ajusté sur options (option-adjusted spread, OAS) est un indicateur de risque présentant les spreads de crédit après la réalisation d'ajustements visant à neutraliser l'impact des options intégrées.
La courbe des taux montre la relation entre les rendements et les dates d’échéance d’une classe d’obligations similaire.
QUELS SONT LES RISQUES?
Les rendements passés ne sont pas garants des rendements futurs. Veuillez noter qu’un investisseur ne peut pas investir directement dans un indice. Les rendements des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, des dépenses ou des commissions de vente.
Les valeurs à revenu variable sont assujetties aux fluctuations des cours et à la perte possible de capital. Les titres à revenu fixe comportent des risques liés aux taux d'intérêt, au crédit, à l'inflation et au réinvestissement, ainsi qu'à une éventuelle perte de capital. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur des titres à revenu fixe diminue. Les placements internationaux sont exposés à des risques particuliers, notamment la fluctuation des monnaies et les incertitudes sociales, économiques ou politiques, qui peuvent accroître la volatilité. Ces risques sont amplifiés sur les marchés émergents. Les matières premières et les devises comportent des risques accrus liés à la situation des marchés, politique, réglementaire et climatique et ne conviennent pas forcément à tous les investisseurs.
Les bons du Trésor américain sont des titres de créance directs « émis et entièrement garantis » par le gouvernement des États-Unis. Cette garantie s’applique aux versements de capital et d’intérêts des bons du Trésor américain, à condition que l’investisseur conserve les titres jusqu’à l’échéance. Contrairement aux bons du Trésor américain, les titres de créance émis par des institutions et organismes fédéraux, ainsi que les instruments connexes, ne sont pas toujours entièrement garantis par le gouvernement des États-Unis. La garantie du gouvernement des États-Unis à l’égard des versements de capital et d’intérêts ne s’applique pas aux pertes découlant de la baisse de valeur marchande de ces titres.
