Principales conclusions
- Les investisseurs qui s’attachent à la valeur ajoutée sont confrontés au défi suivant : les gains à long terme s’accompagnent souvent de pertes à brève échéance, et la capacité à y faire face est un des piliers de notre processus d’investissement.
- En tant qu’investisseurs à long terme, compte tenu des niveaux extrêmes de concentration et d’une volatilité historiquement faible, nous sommes bien positionnés pour nous adapter à des surprises qui ébranleraient un marché trop confiant.
Contexte de marché
Lors d’un récent discours de remise des diplômes, Roger Federer, octuple champion de Wimbledon, faisait remarquer que bien qu’il ait remporté près de 80 % de ses 1526 matches, il n’a gagné que 54 % des points. Son message est puissant : il est impossible d’atteindre la perfection et il faut tirer rapidement les leçons de chaque point puis passer à la suite, « car cela vous donne la liberté de vous concentrer à fond sur le point suivant et celui d’après, avec intensité, clarté et concentration. » La véritable force de Federer a été de surmonter le bruit blanc et les revers à court terme pour rester concentré sur le signal à long terme de la victoire.
Dans un contexte où les actions valeur ont récemment perdu quelques points au profit d’un marché très concentré axé sur la croissance, les propos du tennisman ont de quoi rasséréner quelque peu les investisseurs privilégiant la valeur.
En tant qu’investisseurs à long terme, notre objectif est naturellement de prospérer sur la distance, surtout avec les placements dont la probabilité de succès s’accroît sensiblement avec le temps. Le défi est que les gains à long terme s’accompagnent souvent de pertes à courte échéance ; or, le fait de supporter et de maîtriser ces dernières est un des piliers de notre processus d’investissement. Le tout est de savoir ce qu’il faut ignorer et ce à quoi prêter attention. Nous classons les pertes en deux catégories : celles qui proviennent du bruit blanc et celles qui sont dues au signal.
Ce compromis entre souffrance passagère et gain à long terme est un défi presque inéluctable pour les investisseurs qui s’attachent à la valorisation. En réalité, les valorisations, évaluées sur un horizon d’un an, peuvent avoir une corrélation nulle, voire négative, avec la performance relative (Illustration 1). Ainsi, les graines de valorisation que nous semons chaque année mettent au moins deux ou trois ans à fructifier. Cela nous oblige à accepter qu’un certain degré de perte à court terme est inévitable et que, dans la plupart des cas, nous devrions ignorer la variance à court terme dans la performance relative. Il faut pour cela faire preuve de sang-froid et rester concentré sur le processus, comme nous le faisons depuis plus de 30 ans. L’énergie d’affronter le bruit blanc quotidien doit toutefois aller de pair avec l’honnêteté intellectuelle de rechercher constamment des signaux de perte. Atteindre cet équilibre est l’un des aspects essentiels d’un investissement performant.
Illustration 1 : Il faut du temps à la performance pour s’épanouir

Données au 30 juin 2024. Sources : Bloomberg, analyse ClearBridge. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
La force de nos cas d’investissement réside dans la possibilité de les infirmer, c’est-à-dire de prouver qu’ils sont erronés. Ils décrivent exactement ce que nous recherchons si nous appréhendons correctement les fondamentaux et, à l’inverse, nous permettent de les invalider dans le cas contraire. Par exemple, si un titre sous-performe mais que son dossier d’investissement reste cohérent, nous le conserverons en dépit des turbulences. Si le cas d’investissement est infirmé, nous vendons. Dans de rares cas, la chance nous sourit et un titre commence à porter ses fruits alors même que les éléments en sa faveur s’effondrent. Lorsque c’est le cas, nous vendons également car le signal provient de l’observation des fondamentaux.
Autre élément essentiel de notre processus d’évaluation des actions : nous recherchons un rapport risque/récompense attrayant, dans lequel les avantages lorsque nous avons raison l’emportent largement sur les inconvénients quand nous faisons erreur. Cela nous permet de nous tromper, d’apprendre et d’aller de l’avant sans sacrifier les performances à long terme. En outre, la plupart des actions que nous achetons génèrent un flux de trésorerie disponible important que nous réinvestissons avec des rendements attrayants ou que nous restituons sous forme de dividendes ou de rachats. Cela permet à leur valeur de marché intrinsèque de croître pendant que nous attendons que le cours rejoigne la valeur, et nous permet souvent de bénéficier d’un dividende sain et d’un rendement sur le rachat pendant que nous patientons. Enfin, nous visons un gain beaucoup plus important si les fondamentaux finissent par dépasser notre scénario de base. Ce que nous avons observé, c’est que lorsque les choses commencent à s’améliorer, c’est souvent de manière surprenante. Nous disposons ainsi d’un potentiel de rendement à droite de la traîne que nous n’avons pas à assumer lors de l’investissement initial, et d’un rapport risque/récompense incroyablement attrayant lorsque notre scénario haussier se confirme. L’inverse est également vrai, c’est pourquoi notre discipline de vente est si importante.
La construction du portefeuille nous aide également à filtrer le bruit à court terme. Si la valeur est le compromis entre les pertes à court terme et les gains à long terme, la dynamique des prix correspond au compromis entre les gains à court terme et les pertes à long terme. Si nous surpondérons systématiquement la valeur, nous veillons généralement à diversifier en surpondérant également cette dynamique. En raison des différents compromis inhérents à ces deux expositions factorielles, le résultat obtenu est l’un des meilleurs outils de construction de portefeuille dont nous disposons. L’essentiel est que nous trouvions la source de notre dynamique des prix lorsque nos investissements valeur commencent à porter leurs fruits grâce à la convergence cours-valeur, sous l’effet de fondamentaux plus favorables que prévu. Nous disposons ainsi d’un budget de risque plus important pour investir dans des titres perdants à court terme, ce qui nous a rendus beaucoup plus patients dans la vente de nos valeurs gagnantes.
L’autre signal de construction de portefeuille que nous surveillons est le moment où nous commençons à perdre de la performance relative en termes d’ampleur et de duration, ce qui suggère un changement au-delà du bruit normal du marché. Ces mouvements sont souvent caractérisés par de fortes hausses de la volatilité des marchés et des corrélations qui génèrent des risques de baisse du portefeuille supérieurs au niveau que nous acceptons. La gestion de ce processus nous fournit un budget de risque dynamique que nous tentons de devancer.
Dans ce contexte, nous constatons aujourd’hui que la volatilité des marchés et les corrélations sont proches de leurs plus bas niveaux historiques, ce qui annonce un budget de risque substantiel. Toutefois, les primes de risque et les écarts de valorisation sont également faibles, ce qui nous incite à nous positionner de plus en plus en vue d’un éventuel revirement par rapport au calme qui règne actuellement sur le marché.
Accueillir l’inéluctable incertitude
La plupart des investisseurs ont horreur de l’incertitude et, bien souvent, ils se livrent à ce que nous appelons le « blanchiment de l’incertitude », c’est-à-dire qu’ils nient tout simplement son existence. Nous choisissons en revanche d’accueillir l’impact inéluctable de l’incertitude. Cela nous oblige à réfléchir de manière créative et probabiliste aux futurs possibles et aux domaines dans lesquels la surprise pourrait engendrer des rendements potentiellement élevés. Notre objectif est de positionner le portefeuille de manière à ce qu’il résiste à un maximum de scénarios, pour que les bons résultats deviennent excellents au fil du temps. Tout comme Federer, notre objectif est de jouer le long terme en gérant le court terme au mieux de nos capacités.
Le principal changement au cours du deuxième trimestre a été la diminution modérée des risques d’inflation grâce à l’amélioration des chiffres, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’un assouplissement monétaire à la fin de l’année. Cette situation nous a incités à envisager plusieurs scénarios autour d’une première baisse des taux que le marché n’a, à notre avis, pas encore totalement intégrée. Compte tenu de la faiblesse historique de la volatilité, les marchés semblent parfaitement satisfaits de se contenter d’extrapoler la suprématie actuelle des méga-capitalisations technologiques les plus étroitement liées à l’intelligence artificielle (IA). En tant qu’investisseurs, nous sommes beaucoup plus diversifiés que le marché actuel car nous nous positionnons en prévision de deux surprises potentielles.
1. La première de ces surprises serait que l’assouplissement de la Réserve fédérale (Fed) permette au marché de s’élargir par rapport à son perchoir actuel extrêmement concentré. Nous pensons qu’il s’agit de l’issue la plus logique et c’est celle que nous privilégions. Le resserrement monétaire a favorisé la croissance séculaire et très liquide des entreprises technologiques à forte capitalisation, tout en pressurant de nombreuses entreprises cycliques plus petites, en particulier celles qui sont endettées. Alors que la largeur du marché est proche de minima historiques et qu’elle a tendance à s’inverser (Illustration 2), pourquoi le grand soulagement relatif qu’apporterait un assouplissement de la Fed ne donnerait-il pas le coup d’envoi d’un élargissement du marché ? C’est le scénario que nous privilégions car c’est dans les grandes actions, plutôt que dans les méga-capitalisations, que nous décelons la combinaison de valorisations attrayantes et de fondamentaux de qualité que nous recherchons. Dans un monde où les investisseurs se ruent sur la même poignée de titres, c’est là un pari sur la taille, différencié et actif, que nous sommes rémunérés pour prendre. Nous avons constaté que même lorsque les prévisions d’un changement macroéconomique, tel qu’un assouplissement de la Fed, se vérifient, les réactions du marché sont souvent surprenantes car il est extrêmement difficile de prévoir les transitions entre les niveaux macroéconomique et microéconomique. Cette surprise devrait jouer à notre avantage.
Illustration 2 : La largeur du marché est proche de minima historiques

Données au 30 juin 2024. Sources : FactSet, analyse ClearBridge. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
2. Si le premier scénario est celui que nous souhaitons, le second est celui auquel nous nous préparons, car accepter le potentiel de surprises négatives compte parmi nos points forts. Les signes indiquant que le resserrement monétaire pèse sur les consommateurs les plus modestes et nuit aux secteurs cycliques sensibles aux taux d’intérêt, tels que l’immobilier, se multiplient. Bien qu’ils ne soient pas alarmants à ce stade, ils suggèrent un ralentissement modéré de l’économie.
Cependant, le resserrement monétaire a toujours fonctionné avec de longs décalages, et il nous paraît de plus en plus probable qu’un cycle d’assouplissement de la Fed pourrait s’amorcer lorsque les signes d’un atterrissage économique plus brutal se manifesteront.
DÉFINITIONS
L’indice S&P 500 est un indice non géré composé de 500 actions qui est généralement représentatif des performances des grandes entreprises aux États-Unis.
Le ratio cours/bénéfices (C/B) est égal au cours d’une action (ou d’un indice) divisé par le bénéfice par action (ou indice). Le ratio cours/bénéfices (RCB) à terme est le cours actuel d’une action (ou d’un indice) divisé par son bénéfice par action estimé (ou le bénéfice estimé de l’indice), généralement à un horizon d’un an.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Tout investissement comporte des risques, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. Veuillez noter qu’un investisseur ne peut pas investir directement dans un indice. Les performances des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d’entrée. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.
Les titres en actions sont sujets à des fluctuations de cours et peuvent occasionner une perte de capital.
Les titres obligataires exposent leurs détenteurs aux risques de taux d’intérêt, de crédit, d’inflation et de réinvestissement, ainsi qu’à une possible perte de capital. Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des titres obligataires diminue.
Les investissements internationaux sont sujets à des risques spéciaux, dont les fluctuations des devises, ainsi que les incertitudes sociales, économiques et politiques qui peuvent en accentuer la volatilité. Ces risques sont amplifiés dans les marchés émergents.
Les matières premières et les devises comportent des risques accrus qui incluent les conditions du marché, politiques, réglementaires et naturelles et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs.
La diversification n’est pas une garantie de gain ou de protection contre les pertes.
Les bons du Trésor américain sont des titres de créance émis et garantis explicitement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les bons du Trésor américain lorsque les titres sont détenus jusqu’à l’échéance. À la différence des bons du Trésor américain, les titres de créance émis par les agences et intermédiaires fédéraux et les investissements connexes peuvent ou non être garantis par la garantie explicite du gouvernement américain. Même lorsque le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les titres, cette garantie ne s’applique pas aux pertes résultant de la baisse de la valeur de marché de ces titres.
La gestion active n’offre aucune garantie de gains ni aucune protection contre les baisses du marché.



