Principaux points
- La nature particulière du cycle économique actuel semble avoir déjoué de nombreux indicateurs traditionnels de récession. Plusieurs indicateurs avancés se sont améliorés au cours des six derniers mois, notamment le tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge, qui est passé du rouge au jaune.
- Des tendances à plus long terme, telles que le recours accru aux mesures de relance budgétaire tout au long du cycle économique, ont contribué à stimuler l'activité au cours de ces dernières années. À terme, l'assouplissement des conditions d'octroi des prêts et la reprise de l'activité dans le secteur du logement devraient permettre un
atterrissage en douceur de l'économie. - Après une période de concentration historique du marché, la croissance supérieure des bénéfices des Sept Fantastiques devrait, selon nous, se rapprocher de la moyenne du marché au cours des deux prochaines années.1 Cette tendance pourrait provoquer une rotation des leaders et une participation plus large au marché des autres actions du S&P 500 ainsi que des petites capitalisations.
La croissance actuelle ne ressemble en rien à celle des décennies passées
L'investisseur milliardaire Carlos Slim a déclaré un jour : « Une bonne connaissance de l'histoire permet de mieux comprendre le passé et le présent, et donc d'avoir une vision claire de l'avenir ». Bien que chaque cycle économique soit unique, ils présentent des éléments communs qui peuvent aider les stratèges à construire une mosaïque plus précise de ce qui les attend dans le futur. Cependant, alors que nous sortons tout juste d'une pandémie mondiale qui, espérons-le, n'arrivera qu'une fois dans une vie, il est devenu évident que les différences entre la croissance économique actuelle et celles observées par le passé sont plus nombreuses en réalité. Ces divergences ont permis à l'économie d'être extrêmement solide au cours des deux dernières années, alors que de nombreux indicateurs de récession, normalement fiables, annonçaient un ralentissement imminent. Malgré notre prudence face aux nombreux risques potentiels, force est de constater que le cycle actuel se distingue par l'amélioration de plusieurs indicateurs macroéconomiques de premier plan au cours des six derniers mois.
L'un de ces indicateurs est le marché du logement, qui évolue généralement de paire avec l'économie, mais qui semble s'être découplé depuis la pandémie, une dynamique inhabituelle qui ne s'est produite que deux fois par le passé, dans les années 1960 et au milieu des années 1990. La construction a connu un ralentissement entre début 2021 et le second semestre 2023, alors même que l'économie connaissait une croissance rapide. Le découplage actuel s'est traduit par la combinaison unique de prix élevés (en grande partie en raison de la faiblesse des stocks) et d'une baisse de l'activité, les goulets d'étranglement des chaînes d'approvisionnement et le niveau élevé des taux d'intérêt ayant pesé sur le secteur de la construction. Il est important de noter que le secteur du logement a progressé au cours du second semestre de l'année dernière et que ce dynamisme semble devoir se poursuivre grâce à la stabilisation des taux de crédit hypothécaire et à l'amélioration des indicateurs de confiance tels que l'indice NAHB (Association nationale des Constructeurs immobiliers) du marché du logement, réalisé auprès des promoteurs immobiliers.
L'enquête trimestrielle SLOOS (Senior Loan Officer Opinion Survey) réalisée par la Réserve fédérale est un autre indicateur avancé qui montre un resserrement nettement moins marqué des conditions de prêt pour les prêts commerciaux et industriels (C&I) et les prêts accordés dans le secteur de l'immobilier commercial (CRE). Bien que l'on ne puisse pas encore parler d'assouplissement, la récente évolution atténue le risque d'une dégradation de la situation en raison d'une restriction du crédit bancaire. En outre, les investisseurs sous-estiment probablement les programmes mis en place par la Réserve fédérale (Fed) durant la crise bancaire régionale de l'année dernière, qui ont permis d'éviter une aggravation de la crise et le déclenchement d'une récession, selon nous.
Illustration 1 : Assouplissement des conditions de crédit

Les zones grisées représentent les récessions. Données au 5 février 2024, dernières données disponibles au 31 mars 2024. Sources : Macrobond, Réserve fédérale.
Le tableau de bord des risques de récession de ClearBridge s'est lui aussi nettement amélioré au cours des six derniers mois, cinq indicateurs sous-jacents enregistrant une embellie parallèlement à l'évolution générale de la situation. Bien que les indicateurs soient demeurés stables ce mois-ci, la tendance générale est toujours encourageante et des progrès supplémentaires ont été observés en filigrane.
Illustration 2 : Tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge

Données au 31 mars 2024. Sources : BLS, Réserve fédérale, Census Bureau, ISM, BEA, American Chemistry Council, American Trucking Association, Conference Board et Bloomberg. Le ClearBridge Recession Risk Dashboard a été créé en janvier 2016. Les références aux signaux qu’elle aurait envoyés dans les années précédant janvier 2016 se fondent sur la manière dont les indicateurs des composantes de l’époque reflétaient les données sous-jacentes.
Le tableau de bord n'est pas le seul à avoir enregistré une embellie ces derniers temps. Le mois dernier, l'indicateur économique avancé calculé par le Conference Board a affiché pour la première fois un résultat mensuel positif, mettant ainsi fin à une série de 23 résultats négatifs consécutifs. Cet indicateur qui tend à être à l'avant-garde de l'activité économique n'a jamais chuté aussi longtemps (ou dans une telle mesure) sans qu'une récession ne se matérialise. Cependant, la nature particulière du cycle économique actuel semble avoir déjoué de nombreux indicateurs traditionnels de récession.
Par exemple, de nombreux consommateurs ont été préservés de la hausse des taux hypothécaires car, après la crise de 2007-2009, ils avaient opté pour des prêts hypothécaires à taux fixe. Il en va de même pour les entreprises américaines, dont les paiements d'intérêts ont tendance à augmenter (ce qui pèse sur leurs marges) en même temps que les campagnes de resserrement de la Fed, qui interviennent souvent à un stade avancé du cycle économique. Toutefois, de nombreuses entreprises ont verrouillé leurs emprunts à des taux fixes bas après la pandémie, et la charge nette d'intérêts a effectivement baissé – grâce à des rendements plus élevés sur les liquidités des entreprises – au cours des dernières années, malgré la vigoureuse stratégie de relèvement des taux de la Fed. Globalement, les bilans des entreprises sont en bonne santé, ce qui s'est traduit jusqu'à présent par une moindre nécessité de réduire les coûts (et les emplois) par rapport aux cycles précédents.
Illustration 3 : Les grandes entreprises ont tout verrouillé

*Entreprises non financières américaines, intérêts nets et paiements divers, transactions divisées par le produit intérieur brut nominal (USD). Les zones grisées représentent les récessions. Données au 28 mars 2024, dernières données disponibles au 31 mars 2024. Sources : Macrobond, Réserve fédérale, U.S. Bureau of Economic Analysis.
Une autre différence fondamentale par rapport à l'histoire de l'économie est le rôle des mesures de relance budgétaire. En règle générale, les déficits budgétaires se résorbent à mesure que l'économie se développe, car elle nécessite moins de soutien, tandis que les décideurs politiques mettent en place des mesures de relance pendant les périodes plus difficiles, qui s'accompagnent souvent d'une hausse du taux de chômage. Cependant, le paradigme semble avoir changé vers le milieu du dernier cycle économique, avec un déficit plus important malgré une économie saine et un taux de chômage faible et en baisse. Cette situation a probablement neutralisé une grande partie des facteurs défavorables créés par une politique monétaire plus stricte à la fois à la fin des années 2010 et au cours des deux dernières années. À l'avenir, les incitations financières devraient ralentir, sans toutefois disparaître complètement, cette année, les aides aux petites entreprises au titre du crédit pour le maintien de l'emploi devant reprendre à la fin du printemps, parallèlement à de modestes augmentations du budget fédéral.
Illustration 4 : Un déficit abyssal et un chômage faible ?

Au 31 mars 2024. Sources : BLS, BEA, NBER, département américain du Trésor, Bloomberg.
Alors qu'un atterrissage en douceur a été notre scénario de base depuis quelques mois, le risque de récession nous semble supérieur au consensus. Néanmoins, les investisseurs en actions demeurent optimistes quant à l'éventualité d'un atterrissage en douceur qui permettrait de préserver le marché haussier.
Dans ce contexte, le comportement du marché depuis le début de l'année est encourageant. L'un des éléments favorables à la poursuite de la reprise est le fait que les Sept Fantastiques se négocient moins comme un monolithe qu'en 2023, signe que le marché se concentre à nouveau sur les fondamentaux. En fait, trois d'entre elles sont restées à la traîne de l'indice S&P 500 au premier trimestre, et deux ont subi des pertes. Selon nous, cette différenciation est de bon augure pour les investisseurs en mesure de comprendre ce qui a été pris en compte dans les cours de ces actions et de déterminer si les bénéfices justifieront les valorisations actuelles.
Illustration 5 : Les 7 différences

Données au 26 mars 2024, dernières données disponibles au 31 mars 2024. Source : FactSet, S&P. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Il est important de noter que le parcours des Sept Fantastiques a été soutenu par une croissance supérieure du bénéfice par action à un moment où le marché dans son ensemble affichait des résultats en demi-teinte. Toutefois, l'avantage conféré par la supériorité des fondamentaux devrait, selon nous, se réduire considérablement en 2024 et encore plus en 2025. Cette évolution pourrait être le catalyseur d'une rotation plus durable permettant aux 493 autres valeurs du S&P 500, ainsi qu'aux valeurs à faible capitalisation, d'accroître leur participation dans un environnement de marché élargi.
Illustration 6 : Dissipation de l'avantage des 7 Fantastiques

Données au 31 mars 2024. Sources : FactSet, Russell, S&P. Rien ne garantit que les prévisions, projections ou estimations se réalisent. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
Les Sept Fantastiques et, par extension, le S&P 500, qui se négocient à 21 fois le bénéfice par action des 12 prochains mois, affichent des niveaux de valorisation élevés. De nombreux investisseurs disposant de liquidités peuvent être réticents à l'idée de revenir sur un marché onéreux. Cependant, comparer la valorisation actuelle du marché à celle observée par le passé revient à comparer des pommes à des oranges, en raison des changements intervenus dans la composition du marché ainsi que dans les fondamentaux. L'indice S&P 500 présente un flux de bénéfices moins volatil, un effet de levier financier moins important et une rentabilité plus élevée qu'au cours de ces dernières décennies, autant d'éléments qui justifient, selon nous, des multiples plus élevés. Cette situation s'explique en partie par des changements dans le comportement des entreprises, mais également par l'évolution de la composition de l'indice lui-même. Aujourd'hui, le S&P 500 comprend moins de secteurs cycliques, plus volatils et à forte intensité d'actifs, qui tendent à se négocier à des ratios cours/bénéfices plus faibles, et plus de secteurs défensifs et de croissance, qui tendent à se négocier à des niveaux de valorisation plus élevés.
Illustration 7 : La composition de l'indice justifie des C/B plus élevés

Au 31 mars 2024. Sources : Piper Sandler, FactSet, S&P. Présenté à des fins d'illustration uniquement ; ne reflète pas les performances ni la composition du portefeuille d'un fonds de Franklin Templeton. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
Un autre facteur potentiel de hausse des multiples est la politique monétaire plus souple de la Fed qui, à la suite de la crise financière mondiale, a décidé d'utiliser son bilan comme instrument de politique économique. Grâce à l'utilisation d'une boîte à outils élargie pour court-circuiter les crises naissantes, comme cela a été fait pour les banques régionales l'année dernière, la Fed a réussi à minimiser les risques de récessions. L'agilité et la rapidité de réaction de la Fed diminuent les risques de récession, ce qui devrait théoriquement augmenter les multiples, car les probabilités de récession et de baisse des bénéfices qui l'accompagnent ont été réduites.
En résumé, l'analyse des valorisations historiques n'est peut-être plus aussi utile que par le passé, selon nous. De même que le cycle économique est particulier, il se pourrait bien que nous soyons au beau milieu d'un schéma de valorisation particulier. Cela ne veut pas dire que le marché est bon marché, et une période de consolidation ne serait guère surprenante après la hausse des actions observée ces cinq derniers mois. Toutefois, les investisseurs à long terme devraient trouver un certain réconfort dans le fait que le S&P 500 a atteint en janvier son premier nouveau niveau record depuis plus d'un an, avant d'en enregistrer plusieurs autres au cours du trimestre. Si les niveaux records peuvent susciter des craintes, car on peut se demander si la situation peut encore s'améliorer, l'histoire montre que, depuis 1989, le déploiement de capitaux lors des périodes de hausse a, dans l'ensemble, donné de meilleurs résultats que lorsque les marchés sont à la baisse, et ce sur une période de 1, 3 et 5 ans (voir Illustration 8 ci-dessous).
Illustration 8 : Ne craignez pas les records historiques

Données au 27 mars 2024, correspondant à la période allant de septembre 1989 à aujourd'hui. Dernières données disponibles au 31 mars 2024. Sources : Macrobond, S&P. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
Les indicateurs économiques continuant à s'améliorer et les risques de récession s'atténuant, les investisseurs seraient bien inspirés de se concentrer sur les titres de secteurs ayant récemment enregistré une sous-performance relative, tels que le S&P 493 et les petites capitalisations, segments dans lesquels l'amélioration des perspectives de bénéfices et des valorisations moins élevées pourraient stimuler la hausse dans le cadre d'un scénario d'atterrissage en douceur.
Notes de fin
- Les 7 Fantastiques désignent l’ensemble des actions suivantes : Microsoft (MSFT), Amazon (AMZN), Meta (META), Apple (AAPL), Google parent Alphabet (GOOGL), Nvidia (NVDA), et Tesla (TSLA). Rien ne garantit que les prévisions, projections ou estimations se réalisent.
Définitions
Le tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge est un groupe de 12 indicateurs qui analysent la santé de l’économie américaine et la probabilité d’un ralentissement.
L’indice S&P 500 est un indice non géré composé de 500 actions qui est généralement représentatif des performances des grandes entreprises aux États-Unis.
Le S&P 493 est l’indice S&P 500 qui exclut les sept valeurs technologiques (Magnificent Seven).
Les valeurs des 7 Magnifiques sont Amazon.com (AMZN), Apple (AAPL), Google parent Alphabet (GOOGL), Meta Platforms (META), Microsoft (MSFT), Nvidia (NVDA) et Tesla (TSLA).
Le Conseil de la Réserve fédérale (Fed) est chargé de définir les politiques des États-Unis visant à promouvoir la croissance économique, le plein emploi, la stabilité des prix et un modèle durable de commerce et de paiements internationaux.
La crise financière mondiale fait référence aux turbulences économiques qui ont suivi l’effondrement des principales banques d’investissement en 2007-2008, marqué par une perte générale de liquidité sur les marchés du crédit et la baisse des cours des actions.
Le produit intérieur brut (PIB) est une statistique économique qui mesure la valeur de marché totale de l’ensemble des produits et services finaux produits par un pays sur une période donnée.
L'Institute for Supply Management (ISM) est une association de professionnels des achats et de l'approvisionnement qui réalise régulièrement des sondages auprès de ses membres afin de cerner les tendances du secteur.
Le bénéfice par action (BPA) est la part des bénéfices d’une société allouée à chacune de ses actions ordinaires en circulation. Le BPA d’un indice est l’agrégation du BPA des sociétés qui le composent.
Le ratio cours/bénéfice est calculé en divisant le prix de l'action d'une société par son bénéfice par action (BPA) sur les 12 derniers mois et exclut également les sociétés dont le bénéfice est nul ou négatif.
L’enquête Senior Loan Officer Opinion Survey (SLOOS) sur les pratiques de prêt des banques est une enquête réalisée chaque trimestre auprès d’environ 80 grandes banques nationales et de 24 succursales de banques internationales.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Tout investissement comporte des risques, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Veuillez noter qu’un investisseur ne peut pas investir directement dans un indice. Les performances des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d’entrée.
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Les investissements internationaux sont sujets à des risques spéciaux, dont les fluctuations des devises, ainsi que les incertitudes sociales, économiques et politiques qui peuvent en accentuer la volatilité. Ces risques sont amplifiés dans les marchés émergents.
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Les bons du Trésor américain sont des titres de créance émis et garantis explicitement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les bons du Trésor américain lorsque les titres sont détenus jusqu’à l’échéance. À la différence des bons du Trésor américain, les titres de créance émis par les agences et intermédiaires fédéraux et les investissements connexes peuvent ou non être garantis par la garantie explicite du gouvernement américain. Même lorsque le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les titres, cette garantie ne s’applique pas aux pertes résultant de la baisse de la valeur de marché de ces titres.

